Le 17 août, au moins trois véhicules ont été
lapidés et leurs occupants albanais passés à tabac, alors qu'ils traversaient l'enclave
serbe de Gracanica, ce que la police des Nations Unies considère comme une réponse aux
assassinats de deux jeunes Serbes la semaine précédente.
Les deux
victimes de ce crime, Pantelija Dakic, 11 ans, et Ivan Jovonic, 20 ans, ont été tuées
le 13 août : un homme inconnu a ouvert le feu sur un groupe de jeunes nageant dans
la rivière Bistrica, près du village albanais de Zahac et de l'enclave serbe de
Gorazdevac. Dans la fusillade, quatre autres jeunes ont été blessés.
Nemanja Dakic,
9 ans, était dans la rivière au moment de l'attaque. Le lendemain, il nous a
raconté : « J'ai entendu une mitrailleuse faire feu et quand je me suis
retourné, la tête de mon frère était couverte de sang ».
Deux jours
auparavant, on avait tiré sur Dragan Tonic, un Serbe de 45 ans en train de pêcher près
du village de Skulanovo, dans le centre du Kosovo. Il est mort le 18 août. Personne n'a
été arrêté à la suite de ces incidents.
La violence a
monté d'un ton aussi dans la ville divisée de Mitrovica, au nord du Kosovo, où il y a
eu quatre explosions en autant de jours. La dernière bombe a éclaté le 16 août devant
un immeuble albanais dans le nord de la ville, là où prédominent les Serbes.
À Mitrovica,
ces explosions ont eu lieu en dépit de dispositions sécuritaires augmentées par la
police onusienne et les gardiens de l'ordre de l'OTAN.
Angela Joseph,
porte-parole de la police de la MINUK, estime que les incidents de Gracanica et les
explosions de Mitrovica sont une réponse aux meurtres de Gorazdevac. « Je pense
qu'il s'agit de représailles de la part de la communauté serbe, par rapport aux morts
tragiques des deux Serbes de Gorazdevac », a-t-elle commenté.
Ce
déchaînement de violence a nourri une nouvelle guerre verbale des hommes politiques
serbes et albanais, chaque camp accusant l'autre de mettre le feu aux poudres.
Le Conseil de
Sécurité des Nations Unies s'est réuni le 18 août, et le vice-Premier ministre serbe
Nebosja Covic en a profité pour accuser les extrémistes albanais de ce qu'il a qualifié
de « campagne pour chasser tous les Serbes du Kosovo et de la Metohjia, de
décourager le retour des réfugiés et des personnes déplacées, et d'achever ainsi la
purification ethnique de la province ».
Nebosja
Vukumirovic, un ancien membre des « gardiens du pont », la milice serbe de
Mitrovica, a prétendu que c'était des Albanais et non pas des Serbes qui étaient
responsables des explosions récentes dans la ville.
« Les
bombes qui ont explosé dans la partie albanaise du nord de Mitrovica sont dûes aux
Albanais eux-mêmes, qui voulaient ainsi détourner l'attention du meurtre des Serbes à
Gorazdevac ».
Pour sa part,
le dirigeant albanais Ramush Haradinaj qui est à la tête de l'Alliance pour l'Avenir du
Kosovo (AAK), a prétendu que les forces serbes portaient la responsabilité des morts de
Gorazdevac, même si ces morts étaient de jeunes Serbes.
Selon lui,
« il ne peut s'agir d'une simple coïncidence, car ceci est intervenu le jour de
l'arrivée de Harri Holkeri au Kosovo, le nouveau représentant spécial des Nations
Unies ». Ramush Haradinaj a rappelé l'assassinat de trois Serbes à Obilic, il y a
moins de deux mois, pendant la visite de Xavier Solana, qui dirige la politique
étrangère de l'UE.
La MINUK a
exprimé son souci face à l'escalade de la violence. Son porte-parole, Izabella Karlowicz
explique : « Un incident tragique incroyable est intervenu à Gorazdevac mais
en fait, c'est aux communautés locales de ne pas se laisser entraîner dans le mécanisme
de la vengeance. Ces actions violentes préoccupent beaucoup la MINUK. Elles ne vont pas
aider les retours des réfugiés serbes qui commençaient, justement parce que ceux-ci
avaient reçu une lettre officielle des dirigeants albanais les invitant à
revenir ».
La communauté
internationale encourage le retour des réfugiés - Serbes, Albanais et autres. Au début
juillet, tous les dirigeants albanais du Kosovo ont expliqué que le moment du retour des
Serbes était arrivé.
Les dernières
violences ont encore détérioré la bien faible confiance que se vouent Serbes et
Albanais. Pour Antoneta Kastrati, 22 ans, du village albanais de Zahar, près duquel les
deux jeunes Serbes ont été tués, cette fusillade a fait du mal aux relations des deux
communautés tout autant qu'aux politiciens de haut niveau.
« Nous
avions une façon de vivre avec le village voisin de Gorazdevac. Nous ne nous aimions pas,
mais pas au point de nous attaquer. Maintenant, et parce que les assassins se sont enfuis
par notre village, on a fouillé nos maisons et l'atmosphère est bien plus tendue
qu'auparavant ».
Un chauffeur
de taxi de 35 ans, albanais, assis à la terrasse d'un café de Pec, et qui préfère
garder l'anonymat, affirme : « J'avais l'habitude de traverser Gorazdevac pour
amener mes clients dans quatre ou cinq villages albanais de l'autre côté de la ville,
mais après ce qui s'est passé je ne le ferai plus ». |