TRADUIT PAR JASNA TATAR
Publié dans la presse : avril 2003
Mise en ligne : dimanche 27 avril 2003
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Dans les jours qui ont précédé l'adhésion de la
Serbie-Monténégro (SM) au Conseil de l'Europe, nous avons pu entendre des réponses
très différentes à cette question. Peter Schieder, président de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, explique que l'adhésion au Conseil et toutes ses
conséquences concernaient tous les citoyens de la SM, y compris ceux du Kosovo. D'autre
part, Bajram Rexhepi, le chef du gouvernement du Kosovo, a dit que cette adhésion
n'aurait aucune conséquence pour les habitants de la région.
Voilà un
extrait de l'Opinion n°239 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, adoptée
en septembre 2002, au sujet de l'adhésion de notre pays : « Ayant en vue la
situation judiciaire spécifique provenant de la Résolution n°1244 du Conseil de
sécurité de l'ONU, l'Assemblée parlementaire considère que la population du Kosovo
doit être entièrement protégée par la Convention européenne sur les droits de l'homme
et par les autres conventions du Conseil de l'Europe y compris ses mécanismes de
surveillance, et elle recommande donc au Conseil des ministres d'inviter le Secrétaire
général du Conseil de l'Europe à chercher, en lien avec les autorités de Belgrade et
la MINUK, les moyens de garantir l'application des normes et des conventions fondamentales
du Conseil de l'Europe au Kosovo, y compris l'accès à la Cour européenne des droits de
l'homme ».
Le problème
consiste en ce que les organismes politiques de la Serbie et du Monténégro n'ont aucune
compétence sur le territoire du Kosovo. Même si le Kosovo fait théoriquement partie de
la SM, selon la résolution 1244 du Conseil de sécurité, l'Union de Serbie-Monténégro
ne peut pas assumer la responsabilité de la protection des droits de l'homme sur cette
partie de son territoire, parce qu'elle n'y exerce aucun pouvoir de fait. Si la SM n'en
est pas responsable, qui le sera donc ? La réalité du pouvoir au Kosovo est
assumée par deux structures, l'administration civile de l'ONU (MINUK), et les forces
militaires internationales conduites par l'OTAN. Ces deux pouvoirs pourraient donc être
les parties accusées dans l'un des futurs procès devant la Cour européenne. Cela
complique davantage la situation, car non seulement ces organisations internationales ne
sont pas signataires de la Convention européenne sur les droits de l'homme, mais elle se
prévalent d'une immunité par rapport aux accusations à ce sujet. Rappelons en effet que
l'Article premier de la Convention dit que la Cour européenne pour les droits de l'homme
ne peut juger qu'un État signataire de la Convention, et que cet État est tenu pour
responsable du comportement des personnes appartenant à sa juridiction.
En d'autres
termes, si un citoyen du Kosovo souhaite s'adresser à la Cour europenne des droits de
l'homme, il devrait accuser un des États membres de l'OTAN qui soit en même temps membre
du Conseil de l'Europe, à condition que la Cour confirme la juridiction de ces États sur
les citoyens du Kosovo.
Certains
exemples tirés de l'expérience de la Cour européenne facilitent la compréhension du
problème. Prenons celui de l'accusation des États membres de l'OTAN et du Conseil de
l'Europe par les familles des victimes du bombardement du bâtiment de la télévision
nationale serbe (RTS), en avril 1999. Les familles ont accusé ces États d'infraction aux
droits de l'homme, à la vie, à la liberté de l'expression, à la récompense juridique
convenable, commis durant le bombardement du bâtiment de la RTS, en affirmant que ces
États devaient être tenus pour juridiquement responsable des morts et des blessés. La
Cour européenne a déclaré son incompétence à ce sujet, sous prétexte que les morts
et les blessés n'étaient pas de la compétence juridique des États en question (la Cour
considère que la compétence juridiction sous-entend le contrôle total du territoire).
Il faut dire aussi qu'à l'époque, notre pays n'était pas encore membre du Conseil de
l'Europe ni signataire de la Convention.
La Cour
européenne ne pourrait pas accepter aucune des deux justifications citées ci-dessus pour
le Kosovo depuis l'entrée des forces de l'OTAN sur son territoire et l'adhésion de la SM
au Conseil de l'Europe. Notre conclusion est confirmée par la décision de la Cour
européenne dans le procès Loizidu contre la Turquie, concernant les infractions aux
droits de l'homme commises sur le territoire chypriote occupée par la Turquie. À cette
occasion, la Cour européenne a souligné que le fait que l'armée turque contrôlait
effectivement le territoire au nord du Chypre obligeait la Turquie, en tant que signataire
de la Convention européenne, à garantir le respect des droits de l'homme sur ce
territoire.
Nous
obtiendrons la réponse concrète à notre question seulement lorsque le premier cas
d'infraction à la Convention des droits de l'homme au Kosovo sera présenté devant la
Cour européenne. |