Belgrade a su persuader les Serbes du Kosovo de ne
plus faire de résistance contre l'administration de l'ONU, dans l'espoir de dégager la
voie de l'adhésion de la Serbie à l'OTAN et au Conseil de l'Europe.
Le 25
novembre, un accord a fixé le cadre administratif de la Mission des Nations Unies au
Kosovo (MINUK) sur la partie septentrionale de Kosovska Mitrovica, la plus grande région
dominée par les Serbes au Kosovo et le symbole de la résistance serbe. Michael Steiner,
le chef de la MINUK estime que "c'est le début d'un nouveau chapitre dans l'histoire
de Mitrovica et cela consolide l'autorité de l'ONU dans tout le Kosovo".
Les
responsables internationaux ont accueilli l'accord comme le début de la fin des
structures parallèles, qui contrôlaient l'administration municipale, la santé,
l'éducation et la police, mises en place par la minorité serbe du Kosovo pour défier
l'administration onusienne.
Jusqu'à
maintenant, Belgrade soutenait mordicus ces structures parallèles. La volte face
s'explique par la volonté de Belgrade d'accélérer sa réintégration dans la
communauté internationale. Belgrade réalise aussi que les intérêts serbes au Kosovo
seraient mieux servis en mettant la responsabilité de protéger les Serbes locaux entre
les mains de la MINUK.
À Belgrade,
on pense que c'est Nebojsa Covic, vice-Premier ministre de Serbie, qui devrait le plus
être crédité de ces accords. Ces deux derniers mois, il a su marginaliser les
jusqu'au-boutistes serbes du Kosovo, ceux qui s'opposaient à toute collaboration avec la
communauté internationale, et donner leur place aux modérés.
Quand l'OTAN a
chassé les forces serbes du Kosovo en 1999, quelques 200000 Serbes se sont enfuis. Ceux
qui sont restés refusent avec entêtement de se soumettre à l'autorité de l'ONU. Ils ne
sont pas à l'abri des attaques revanchardes quotidiennes des Albanais de choc, mais ils
ne font pas confiance à la communauté internationale et ont conservé des liens très
étroits avec Belgrade. C'est dans ce climat qu'ils ont mis au point des structures
parallèles de gouvernement, qui avaient été soutenues ouvertement par le régime de
Milosevic.
Les nouvelles
autorités ont accepté officiellement de coopérer avec la MINUK, mais elles continuaient
de façon informelle à soutenir les structures parallèles. En conséquence, les Serbes
du nord du Kosovo, et particulièrement à Mitrovica, ont boycotté toutes les élections
du Kosovo et snobé l'autorité internationale.
Les Serbes de
Mitrovica ont constitué leur propre force paramilitaire, connue sous le nom de
"gardiens du pont", qui montent la garde des ponts qui relient le nord de la
ville, surtout peuplé de Serbes, au sud où les Albanais sont majoritaires.
Mécontente de
la tournure des événements, la communauté internationale, Washington en tête, a
décidé d'élargir la liste de ce que Belgrade devait accepter pour obtenir le soutien
nécessaire et rejoindre les institutions occidentales comme le Conseil de l'Europe, être
partenaire de l'OTAN et recevoir l'aide financière, ô combien nécessaire.
Entre autres
conditions, figurent la coopération avec le Tribunal de La Haye, la fin de la
coopération militaire avec la Republika Srpska de Bosnie (RS), ainsi que l'arrêt du
commerce des armes avec l'Irak et d'autres pays, comme le veut l'embargo de l'ONU. À
cette liste a été ajoutée la fin des institutions parallèles serbes du Kosovo.
Répondre à
cette dernière exigence voulait dire que la direction serbe avait la difficile tâche de
persuader les Serbes radicaux et sceptiques du Kosovo de changer leurs points de vue. Des
personnalités officielles se sont attelés à la tâche, pas à pas, depuis le milieu de
l'année 2001, autour du Centre de Coordination pour le Kosovo, dirigé par Nebojsa Covic.
Ce dernier avait auparavant réussi à résoudre la crise dans la vallée de Presevo, au
sud de la Serbie, où les Albanais sont majoritaires.
Le charisme et
le travail énergique de Nebojsa Covic lui ont valu la confiance de beaucoup de dirigeants
serbes du Kosovo. Il a réussi à les persuader de former leur propre coalition politique,
Povratak - le retour -, devenue la troisième force politique du parlement du Kosovo.
Nebojsa Covic a intégré plusieurs Serbes locaux aux travaux du Dentre de coordination et
il a apporté une aide juridique aux Serbes soupçonnés par l'appareil judiciaire du
Kosovo.
Il a su
expliquer aux Serbes que seule la coopération avec la communauté internationale pouvait
leur permettre d'améliorer leurs conditions de vie et de jouer un rôle politique
significatif dans le cadre du protectorat des Nations Unies.
La plupart des
dirigeants serbes de Mitrovica étant ainsi gagnés, Belgrade a pu passer l'accord avec la
MINUK pour démettre la municipalité serbe du nord de la ville, jusqu'alors symbole
puissant des institutions parallèles. Oliver Ivanovic, représentant serbe à la
présidence du Parlement du Kosovo, reconnaît que "l'idée que la MINUK prenne le
contrôle du nord de Kosovska Mitrovica était dans l'air depuis quelque temps et ce
nouvel accord en fait une réalité".
Il a ajouté
que l'administration de la MINUK aurait un conseil de six membres dont des représentants
des Serbes locaux avec, à leur tête, Ramesh Abhishek de la MINUK.
Oliver
Ivanovic pense que la communauté serbe sera intégrée dans la municipalité de la MINUK,
et que des Serbes, dont certains "gardiens du pont", pourront rejoindre la
police du Kosovo, qui est placée sous administration internationale.
Les Serbes
ordinaires de Mitrovica, dont les attitudes étaient l'isolationnisme et l'opposition à
la MINUK, ont accueilli le nouvel accord avec des sentiments contradictoires.
"Nous
avons tant de problèmes quotidiens et, pour l'instant, nous ne recevons d'aide que de la
Serbie. Nous verrons. Peut-être que la MINUK a vraiment décidé de nous aider. Je pense
qu'il faut leur faire confiance et travailler avec eux", déclare l'un d'eux.
Un autre
s'exprime différemment. "Nous ne faisons pas confiance à la MINUK, nous ne faisons
confiance qu'aux institutions serbes. Je ne m'attends à aucune amélioration. Lentement
mais sûrement, ils mettent en uvre leur plan et personne ne nous demande notre
avis".
Sur le
terrain, toutefois, on pense que le soutien de Belgrade et des dirigeants serbes locaux à
l'accord emportera l'adhésion du plus grand nombre, si la MINUK se montre déterminée à
résoudre les problèmes concrets.
Belgrade
estime que cette nouvelle étape devrait satisfaire à la fois l'ONU et la Serbie, qui
pourrait ainsi faire un pas de plus vers les institutions internationales, alors que l'ONU
réussira enfin à contrôler l'ensemble du Kosovo.
Par Daniel
Sunter à Belgrade et Olivera Stojanovic à Mitrovica
Traduit par PIERRE DÉRENS
Publié dans la presse
: 5 décembre 2002
Mise en ligne: mardi 10 décembre 2002
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