Décembre  2002

Belgrade a mis fin à la résistance de Mitrovica

La Serbie a accepté de conclure un accord sur Mitrovica avec l'ONU, dans l'espoir d'améliorer ses perspectives de réintégration dans les organisations internationales.

    

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Belgrade a su persuader les Serbes du Kosovo de ne plus faire de résistance contre l'administration de l'ONU, dans l'espoir de dégager la voie de l'adhésion de la Serbie à l'OTAN et au Conseil de l'Europe.

Le 25 novembre, un accord a fixé le cadre administratif de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) sur la partie septentrionale de Kosovska Mitrovica, la plus grande région dominée par les Serbes au Kosovo et le symbole de la résistance serbe. Michael Steiner, le chef de la MINUK estime que "c'est le début d'un nouveau chapitre dans l'histoire de Mitrovica et cela consolide l'autorité de l'ONU dans tout le Kosovo".

Les responsables internationaux ont accueilli l'accord comme le début de la fin des structures parallèles, qui contrôlaient l'administration municipale, la santé, l'éducation et la police, mises en place par la minorité serbe du Kosovo pour défier l'administration onusienne.

Jusqu'à maintenant, Belgrade soutenait mordicus ces structures parallèles. La volte face s'explique par la volonté de Belgrade d'accélérer sa réintégration dans la communauté internationale. Belgrade réalise aussi que les intérêts serbes au Kosovo seraient mieux servis en mettant la responsabilité de protéger les Serbes locaux entre les mains de la MINUK.

À Belgrade, on pense que c'est Nebojsa Covic, vice-Premier ministre de Serbie, qui devrait le plus être crédité de ces accords. Ces deux derniers mois, il a su marginaliser les jusqu'au-boutistes serbes du Kosovo, ceux qui s'opposaient à toute collaboration avec la communauté internationale, et donner leur place aux modérés.

Quand l'OTAN a chassé les forces serbes du Kosovo en 1999, quelques 200000 Serbes se sont enfuis. Ceux qui sont restés refusent avec entêtement de se soumettre à l'autorité de l'ONU. Ils ne sont pas à l'abri des attaques revanchardes quotidiennes des Albanais de choc, mais ils ne font pas confiance à la communauté internationale et ont conservé des liens très étroits avec Belgrade. C'est dans ce climat qu'ils ont mis au point des structures parallèles de gouvernement, qui avaient été soutenues ouvertement par le régime de Milosevic.

Les nouvelles autorités ont accepté officiellement de coopérer avec la MINUK, mais elles continuaient de façon informelle à soutenir les structures parallèles. En conséquence, les Serbes du nord du Kosovo, et particulièrement à Mitrovica, ont boycotté toutes les élections du Kosovo et snobé l'autorité internationale.

Les Serbes de Mitrovica ont constitué leur propre force paramilitaire, connue sous le nom de "gardiens du pont", qui montent la garde des ponts qui relient le nord de la ville, surtout peuplé de Serbes, au sud où les Albanais sont majoritaires.

Mécontente de la tournure des événements, la communauté internationale, Washington en tête, a décidé d'élargir la liste de ce que Belgrade devait accepter pour obtenir le soutien nécessaire et rejoindre les institutions occidentales comme le Conseil de l'Europe, être partenaire de l'OTAN et recevoir l'aide financière, ô combien nécessaire.

Entre autres conditions, figurent la coopération avec le Tribunal de La Haye, la fin de la coopération militaire avec la Republika Srpska de Bosnie (RS), ainsi que l'arrêt du commerce des armes avec l'Irak et d'autres pays, comme le veut l'embargo de l'ONU. À cette liste a été ajoutée la fin des institutions parallèles serbes du Kosovo.

Répondre à cette dernière exigence voulait dire que la direction serbe avait la difficile tâche de persuader les Serbes radicaux et sceptiques du Kosovo de changer leurs points de vue. Des personnalités officielles se sont attelés à la tâche, pas à pas, depuis le milieu de l'année 2001, autour du Centre de Coordination pour le Kosovo, dirigé par Nebojsa Covic. Ce dernier avait auparavant réussi à résoudre la crise dans la vallée de Presevo, au sud de la Serbie, où les Albanais sont majoritaires.

Le charisme et le travail énergique de Nebojsa Covic lui ont valu la confiance de beaucoup de dirigeants serbes du Kosovo. Il a réussi à les persuader de former leur propre coalition politique, Povratak - le retour -, devenue la troisième force politique du parlement du Kosovo. Nebojsa Covic a intégré plusieurs Serbes locaux aux travaux du Dentre de coordination et il a apporté une aide juridique aux Serbes soupçonnés par l'appareil judiciaire du Kosovo.

Il a su expliquer aux Serbes que seule la coopération avec la communauté internationale pouvait leur permettre d'améliorer leurs conditions de vie et de jouer un rôle politique significatif dans le cadre du protectorat des Nations Unies.

La plupart des dirigeants serbes de Mitrovica étant ainsi gagnés, Belgrade a pu passer l'accord avec la MINUK pour démettre la municipalité serbe du nord de la ville, jusqu'alors symbole puissant des institutions parallèles. Oliver Ivanovic, représentant serbe à la présidence du Parlement du Kosovo, reconnaît que "l'idée que la MINUK prenne le contrôle du nord de Kosovska Mitrovica était dans l'air depuis quelque temps et ce nouvel accord en fait une réalité".

Il a ajouté que l'administration de la MINUK aurait un conseil de six membres dont des représentants des Serbes locaux avec, à leur tête, Ramesh Abhishek de la MINUK.

Oliver Ivanovic pense que la communauté serbe sera intégrée dans la municipalité de la MINUK, et que des Serbes, dont certains "gardiens du pont", pourront rejoindre la police du Kosovo, qui est placée sous administration internationale.

Les Serbes ordinaires de Mitrovica, dont les attitudes étaient l'isolationnisme et l'opposition à la MINUK, ont accueilli le nouvel accord avec des sentiments contradictoires.

"Nous avons tant de problèmes quotidiens et, pour l'instant, nous ne recevons d'aide que de la Serbie. Nous verrons. Peut-être que la MINUK a vraiment décidé de nous aider. Je pense qu'il faut leur faire confiance et travailler avec eux", déclare l'un d'eux.

Un autre s'exprime différemment. "Nous ne faisons pas confiance à la MINUK, nous ne faisons confiance qu'aux institutions serbes. Je ne m'attends à aucune amélioration. Lentement mais sûrement, ils mettent en œuvre leur plan et personne ne nous demande notre avis".

Sur le terrain, toutefois, on pense que le soutien de Belgrade et des dirigeants serbes locaux à l'accord emportera l'adhésion du plus grand nombre, si la MINUK se montre déterminée à résoudre les problèmes concrets.

Belgrade estime que cette nouvelle étape devrait satisfaire à la fois l'ONU et la Serbie, qui pourrait ainsi faire un pas de plus vers les institutions internationales, alors que l'ONU réussira enfin à contrôler l'ensemble du Kosovo.


 

Par Daniel Sunter à Belgrade et Olivera Stojanovic à Mitrovica

Traduit par PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 5 décembre 2002
Mise en ligne: mardi 10 décembre 2002